mercredi 27 juin 2012

Mes toutes premières règles, de Gaston Mbemba-Ndoumba

Gaston Mbemba-Ndoumba est un auteur qui publie des essais avec une rigoureuse régularité. Les publications autres que les oeuvres de fiction, on n'en trouve pas encore à foison, surtout pour des sujets que l'on pourrait qualifier de "délicats". Dès qu'on s'aventure sur le terrain de l'intimité, les voix se font rares. Je précise bien que cette rareté ne s'observe que du côté des essayistes, car en ce qui concerne la fiction, la libération de la parole s'est effectuée assez tôt, elle est même de plus en plus à l'oeuvre dans les romans où le tabou est en voie de disparition. C'est la  société, au contraire, qui a du mal à accepter cet état de fait, au point que certains auteurs, certains romans qui, par exemple, traitent de sexualité sans que le langage ne soit bridé sont très mal accueillis.




Gaston Mbemba-Ndoumba, lui, embrasse tout ce qui touche la société : du décapage de la peau aux transports urbains, en passant par la sorcellerie, ses livres se veulent un reflet de la société telle qu'elle se vit aujourd'hui en Afrique mais aussi ailleurs, comme le témoigne son dernier livre : Mes toutes premières règles, sujet qui concerne les femmes du monde entier. Mais combien parmi elles pourraient affirmer qu'elles savaient à quoi s'attendre ? Combien ont eu précédemment avec leurs parents une conversation qui les préparait à l'apparition de ces règles ? C'est très souvent au moment où elles se produisent que les proches, la maman en particulier, se voit obligée d'aborder le sujet, elle qui croyait que ce changement de statut de fille en femme n'allait pas survenir de sitôt. On remet toujours à plus tard ces discussions où l'on doit voir sa fille, son fils, non plus comme un enfant, mais comme un homme, une femme en devenir. Et puis un jour on est devant le fait accompli.

Mes toutes premières règles, que l'auteur dédie à sa fille, se présente comme le témoignage de diverses femmes qui racontent justement leurs premières règles. C'est une idée de Yéléna, le personnage principal, qui a le projet d'écrire un livre là-dessus, afin de "permettre aux filles, aux garçons et aux parents de dédramatiser cette question si intime et d'en parler librement." (p. 12) 

La première de couverture porte la mention "Essai", mais peut-on raisonnablement le considérer ainsi, puisque le "je" du livre est le "je" du narrateur, qui rapporte l'expérience de Yéléna ? Celle-ci est une toute jeune francilienne, elle a l'idée de recueillir le témoignage de tantines, copines ou simples connaissances, qu'elle rencontre à différents endroits touristiques de Paris : la Tour Eiffel, le Louvre, Notre Dame de Paris etc. Les récits de ces femmes sont donc aussi l'occasion d'une ballade dans Paris.

Ce livre, on ne pourrait pas non plus le nommer "roman", puisqu'il ne comporte pas d'intrigue, d'histoire. Quelle que soit la manière dont vous le considérez, il n'en demeure pas moins que, si vous êtes femme, vous serez amenée à vous ressouvenir de cette expérience unique, et si vous êtes homme, vous ne vous interrogerez pas moins sur ce phénomène qui touche les femmes : votre mère, votre compagne, votre soeur, votre amie le vivent ou l'ont vécu au quotidien : quel regard portez-vous sur elles ? Est-ce que, lorsqu'elles ont leurs règles, vous considérez qu'elles sont "sales" (comme un des personnage se le laissera dire) ou "impures" comme le stipule la Bible dans l'ancien testament ?

Gaston M'bemba-Ndoumba, Mes toutes premières règles, Editions Bénévent, 2012, 118 pages, 13.50 €.


3 commentaires:

St-ralph a dit…

Il est évident que notre ami affectionne les questions intimes. C'est le livre à offrir aux jeunes filles en herbes... ou à laisser traîner dans la maison.

Obambé a dit…

Hum !

Jamais je ne me serais attendu à ce qu’un homme (j’insiste, avec petit « h ») aborde ces questions dans un livre, sans en être un spécialiste. De la part d’un gynécologue, j’aurais facilement compris. Mais là…, originale démarche que la sienne.
De plus, je félicite les auteurs qui arrivent à se mettre dans la peau de personnes ou personnages de sexe opposé. Cela ne doit pas être évident. Chapeau bas ! Nos artistes musiciens ont cette facilité déconcertante et je me rappelle que tout petit, je ne comprenais pas qu’un homme chante « Nga mwasi (…) » [Moi ? femme (…) ] et me disais toujours, « Mais qu’a-t-il ce Monsieur ? Est-ce une femme qui s’est déguisée ? » et mes aîné(es), hilares, de me dire, « Mais arrête, ce n’est qu’une chanson ! »
Bon, je m’éloigne.
Le temps passe et je me souviens d’une fille de ma génération. Un dimanche matin, elle fait le ménage dans le salon et elle sent bien le regard de son cher papa sur elle et sur une partie précise de son corps. Elle est mal à l’aise. Elle a envie de lui demander ce qui ne va pas, mais ce n’est pas dans son éducation. Au bout d’un moment, agacée, elle jette elle-même un coup d’œil sur son vêtement et se rend compte qu’il y a une tâche. C’est ce que son papa regardait. Et Monsieur le pater de dire :
- Va prendre une douche, change de vêtements et va voir ta mère, vite. Montre lui ton vêtement !
@+, O.G.

Liss a dit…

@ St-Ralph,

En effet, ce pourrait être une habile manière d'instruire une jeune fille sans avoir à se mouiller... L'idéal, c'est d'en parler ensuite avec elle, le livre devenant le prétexte de la discussion...

@ Obambé,
J'imagine que ce père aurait été ravi d'avoir ce livre sous la main pour le filer à sa fille. Aujourd'hui encore, je suis sûre qu'un bon nombre de pères au Congo ou ailleurs en Afrique (et même dans d'autres continents) n'auraient pas le courage d'aborder cette question avec leur fille, reste à espérer que la maman soit là le moment voulu. C'est pourquoi le mieux est d'anticiper.