vendredi 25 mars 2011

La Géométrie des variables, de Mamadou Mahmoud N'Dongo

J’ai rencontré Mamadou Mahmoud N’Dongo le mois dernier à l’Albarino Passy. Après l’avoir entendu s’exprimer sur son livre, il était très tentant de le lire. J’étais curieuse de voir les lignes qu’il traçait dans sa Géométrie des variables, espérant les voir aussi belles que son propos était nourrissant. Je puis dire, après lecture, que son roman est substantiel, et sa substance, il la tire essentiellement de la vie politique internationale. L’auteur s’intéresse à l’accession aux plus hautes fonctions de l’Etat d’hommes politiques de pays du Nord comme ceux du Sud, avec un accent un peu plus marqué pour la France tout de même.


Ces hommes politiques, que ce soit Sarkozy, Chirac ou Mitterrand, Obama, Bush, Clinton ou Reagan, Taylor ou Prince Johnson etc. occupent (ou occupèrent) le devant de la scène, mais que se passe-t-il à l'arrière ? Qui se trouve pour ainsi dire dans les coulisses ? Qui est à la Régie, pour régler la lumière, pousser le public à porter ses regards sur tel homme politique plutôt que sur tel autre ? Ce sont les communicants. Sont-ce eux qui tirent les ficelles ? Ce peut être un débat passionnant. On peut mesurer, dans le livre, l'importance de la communication en politique, on a presque envie de dire que le secret d'une ascension politique réside là. Mais on peut aussi lire ceci :

- [...] Le pouvoir, c'est le savoir, et ce qui m'effare avec Sarkozy, c'est qu'il soit devenu président de la République !
- Mais tu l'as aidé à le devenir ?
- Daour, avec ou sans nous, il l'aurait été, et toi tu crois toujours, le plus sérieusement du monde, que c'est nous qui l'avons fait roi...
(La Géométrie des variables, p. 278)

C'est un échange entre Daour Tembeley et Pierre-Alexis de Bainville, les deux personnages principaux du roman, tous deux communicants politiques, tous deux Français, l'un Noir aux origines peules, l'autre Blanc. L'un au début de sa carrière, l'autre proche de la retraite. Pierre-Alexis, l'aîné, encadre le jeune Daour, il lui fait profiter de son expérience. Ce n'est pas pour autant que le lecteur les perçoit comme un supérieur avec son subalterne. Au contraire, c'est une véritable relation amicale, basée sur l'échange intellectuel, qui les lie. Tous deux sont amenés, au cours de leur carrière, à travailler pour diverses personnalités politiques de différents pays, indépendamment de leurs convictions personnelles, de leurs sentiments, et quelle que soit l'aura dont ces personnalités bénéficient auprès de l'opinion internationale. C'est dire combien le monde de la communication fait fi des frontières géographiques et des notions de bien ou de mal.

Ce roman nous montre donc comment on fait et on défait les hommes politiques, comment se font et se défont les "tendances". Mode et Politique sont intimement liées, l'une conduit souvent vers l'autre : "C'est en étudiant la mode que j'en suis arrivé aux tendances, et des tendances je suis passé à l'étude des politiques", déclare Daour, p.211.
Ce passage m'a fait repenser à une des célèbres Lettres persanes de Montesquieu, où l'auteur, sous le couvert de dénoncer les extravagances de la mode, se livre en réalité à une sévère critique du pouvoir royal :

Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes : les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris. [...] L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.
(Montesquieu, Lettres persanes, XCIX, 1721.)

On n'apprend pas seulement en politique dans ce roman, mais aussi dans le domaine artistique, celui-ci incluant également la Littérature, en particulier le Théâtre. Et ce que j'apprécie davantage, c'est que l'on peut avoir la sensation d' "entendre" l'auteur, si tant est qu'un roman est l'une des meilleures conversations que l'on peut avoir avec un auteur. Mamadou Mahmoud N'Dongo étant aussi cinéaste, j'ai cru l'entendre ou du moins percevoir ses goûts par exemple dans le passage suivant :

Tu sais la télé, la télé c'est pas pareil, tu es seul, t'as pas de retour, pas comme au cinéma où tu peux croiser le public à la fin de la projection et tu peux leur demander, aux spectateurs, ce qu'ils pensent ou bien tu te glisses dans la salle et t'écoutes. A la télé c'est diffusé tu ne sais où, puis t'as les critiques dans je ne sais quel magazine à la con qui te parlent de parts de marché, et puis ça sort en DVD, encore que ceux qui achètent les DVD, c'est eux le vrai public, sinon les autres ils ont un abonnement et la télé c'est un meuble, elle s'allume quand tu l'ouvres et s'éteint quand tu la refermes comme un frigo, à part qu'on t'apporte ta bouffe, et c'est pas ma conception de l'art, ce n'est pas de l'art, c'est pas comme un film ! (p. 217-218) 

Les personnages entraînent aussi le lecteur dans leurs aventures amoureuses, des aventures qui peuvent, contre toute attente, s'installer dans la durée et désarçonner les intéressés, cette touche d'émotion ne manque pas de donner au roman encore plus d'attrait :

Je retournai dans la chambre, et je contemplai son dos, je repoussai le drap et aperçus son tatouage et soudain j'eus une bouffée d'émotion en pensant : nous ne vieillirons pas ensemble ! Et je me remis à sangloter... ainsi se déroula ma nuit, je dormais et me réveillais, partais pleurer car submergé par le bonheur de me savoir amoureux.
(p. 264)

Bon, je vous ai servi de larges extraits de ce roman, vous n'allez pas vous plaindre. Plaignez plutôt et grondez votre portefeuille, s'il se montre ingrat, apprenez-lui à vous obéir, car je sens que la main vous démange d'aller acheter ce livre.

Mamadou Mahmoud N'Dongo, La Géométrie des variables, Gallimard, collection Continents Noirs, 2010, 310 pages, 19.50 €.

dimanche 20 mars 2011

Le village des auteurs : salon du livre de Paris

Vous avez une petite envie de croissant croustillant, encore tout chaud ; vous rêvez d'engloutir un petit chausson aux pommes, de dévorer une belle part de flan nature... Vous entrez dans la première boulangerie qui se présente à vous, mais oui ! 

Vous voulez tester la nouvelle Clio... non j'oubliais que vous, ce sont les grandes bagnoles qui vous intéressent, mais attention à la consommation, en ce moment le carburant coûte cher ! et Khadafi ne semble pas avoir dit son dernier mot. Le pétrole, ma parole, ce n'est pas une babiole dans les relations internationales ! Vous allez donc faire le tour des garages, surtout que vous hésitez : marque française, allemande, japonaise ? Ah ! le Japon. Ces catastrophes naturelles me laissent complètement démunie, je n'ai plus de mots. Quand la nature vous flanque une giffle, vous êtes sonné, vous n'avez même pas le temps, ni la force de crier, vous mettez simplement la main à votre joue douloureuse.

Et quand vous voulez rencontrer un auteur, LES auteurs qui ont écrit à l'encre indélébile une belle page de votre vie de lecteur ou de lectrice, vous allez où ? Quand vous voulez faire d'une pierre dix, vingt, trente coups, quand vous désirez les voir tous ou les apercevoir, ces auteurs avec qui vous avez fait connaissance dans l'intimité de la lecture, ces géniteurs des personnages qui vous ont séduit, avec qui vous avez eu un flirt ou une brouille, vous allez où, où, où ?... Au village, mais bien sûr ! ... Hein ? Quel village ? Mais le village des auteurs, voyons, le salon du livre ! 

Tous les villages n'ont pas la même importance, qu'on parle en termes de population ou de superficie. Et l'un des plus gros villages est sans aucun doute le salon du livre de Paris. Là vous avez 90% de chance de rencontrer toutes les générations d'écrivains : les anciens ou les vétérans, les jeunes, les couronnés, les moins connus. Mais la star, c'est tout de même le livre. C'est lui qui, prenant d'une main les auteurs et de l'autre les lecteurs, les unit par les liens sacrés de l'amour de la lecture ! Ah quel beau mariage ! Et surtout sans complexes ni règles, aimez des hommes, aimez des femmes, des jeunes, des vieux, soyez polygame, polyandre, Sarkozy ne vous fera pas un procès pour cela, il ne vous refusera pas la nationalité française, si vous la lui demandez.

Au village, il faut juste avoir son alliance pour célébrer le mariage avec l'auteur de son choix : un des livres de l'auteur... que vous avez lu ou allez lire, il va vous être dédicacé avec beaucoup de générosité.

Virginie Mouanda, Liss, Jorus Mabiala, Jean-Aimé Dibakana, des plumes du Congo-Brazza. 


Quand je suis arrivée, ce vendredi 19, porte de Versailles, je ne me suis même pas procurée de programme, je voulais d'abord aller au gré des allées, me laisser porter par la marée des lecteurs qui me portait de-ci de-là, je voulais humer tous ces livres, les regarder, les convoiter, les effleurer, les feuilleter...

Après cette baignade rafraîchissante, il fallait désormais choisir les îles où accoster. Choix pas cornélien du tout. J'ai foncé vers le panneau vert : Auteurs du Bassin du Congo. Aussitôt arrivée, j'aperçois un vétéran : Henri Lopes. Je m'approche, ne résistant pas à mes pulsions : quelques mots échangés, une petite photo souvenir, accordée avec grâce, mais mon portable n'étant pas de bonne humeur, je ne puis vous montrer la photo de notre mariage. Pendant ce temps, Jean-Noël Schifano anime une conférence avec plusieurs des auteurs publiés chez Gallimard.


Obambé Gakosso, le sac bourré de livres en bandoulière, et Liss, la bouche en mouvement, car je donne des recommandations à mon photographe de fils mais il est un peu trop court par rapport à nous)


Puis j'aperçois un lecteur qui se distingue des autres par sa belle tenue africaine, je le reconnaîtrais entre mille : "coucou Obambé !", "coucou Liss !" On a à peine le temps de se faire la bise que le voilà qui fonce parce qu'il a aperçu le doyen Dongala. Moi, je ne l'ai pas vu, je ne le vois pas, mais ça me laisse aussi le temps de foncer vers la Librairie du Sud.


Sur le chemin, je passe par le stand des éditions Actes Sud. Ouah ! la file devant Laurent Gaudé ! J'aurais bien aimé faire la queue moi aussi, mais je risque d'attendre longtemps, longtemps avant que ce ne soit mon tour, et je n'ai pas beaucoup de temps. A quelques sièges de lui, celui de Dongala : vide. Décidément, je ne vais pas avoir la chance de lui faire ma révérence aujourd'hui.

Mboka-Kiese et Liss.

J'arrive au stand Librairie du Sud, je tombe sur un panel de plumes du Congo. Jean-Aimé Dibakana, Jorus Mabiala, Virginie Mouanda, conteuse que vous pouvez découvrir ici : http://vmouanda.free.fr/
Et dans le fond, j'aperçois Alain Mabanckou, en train d'être interviewé par je ne sais quelle radio. Eh bien, j'ai de la chance ! Je vais patienter. Quand je me retourne, la haute stature de Dany Laferrière colonise mon regard. Je suis hypnotisée, mais j'ai le temps de me faire la réflexion que, quand on aperçoit Mabanckou, cela veut dire que Dany Laferrière n'est pas loin, et inversement. Alain a enfin terminé, je vole à lui, je veux me présenter mais il me coupe d'un "Liss !", j'en reste tout baba.


Alain Mabanckou et Liss


Tiens, tiens, qui voilà ? Mboka-Kiese ! lecteur, blogueur, frère de Mawawa Mawâ-Kiese, qui tient les éditions Paari. Discussion animée sur la littérature. Lui ne jure que par la littérature russe. "Tu sais, les Russes ont su mêler l'histoire, la philosophie, la littérature avec beaucoup de subtilité, il faut suivre l'exemple des Russes !" assène-t-il, ce qui me rappelle un passage d'Al Capone le Malien.

Et puis... ce chapeau, là-bas, il ne vous dit rien ? L'homme... ou l'écrivain au chapeau... oui, vous avez bien deviné : Eugène Ebodé. Je ne l'ai pas encore lu, mais j'avance sans hésitation, ce sera "ce soir ou jamais". Il me parle de Madame l'Afrique. Allez hop ! dans mon panier, avec une dédicace sculptée, je vous assure !


Liss et Eugène Ebodé, au milieu un futur grand lecteur (enfin j'espère, pour l'instant c'est la bagarre, est-ce que je lui mets trop la pression ?)

Oh ! là-bas... le maître, Boniface Mongo Mboussa ! Un désir d'indocilité veut s'emparer de mes pieds qui n'apprécient pas la longue station debout, mais je leur enjoins de me mener vers le critique littéraire. Belle discussion sur la littérature, sur ce fait révoltant de ne pouvoir avoir accès à l'oeuvre romanesque d'un auteur comme Tchicaya U Tamsi, qui sera bientôt oubliée, si rien n'est fait. Et les difficultés qu'ont pu éprouver des auteurs au grand héritage comme Edouard Glissant, qui ont mené un combat toute leur vie durant, ça aussi c'est révoltant ! Nous avons été rejoints par Obambé. C'est alors que je remarque son gros sac en bandoulière, tout plein de livres. Il a fait une moisson... non, pas une moisson de crânes, n'en déplaise à Abdourahmane Waberi, que je n'ai pas vu, une moisson de dédicaces ! On parlait de Glissant, et j'aperçois Patrick Chamoiseau, comme par hasard, là-bas, devant moi.

Il y avait beaucoup de connaissances et d'amis, j'ai retroubé Bios Diallo, Rudy Malonga. Parmi les auteurs, les femmes en particulier, j'ai reconnu de loin Tanelle Boni, je cours vers elle, je mendie une photo, mais je ne sais pas, aurais-je oublié le mot magique, car je la sens réticence. Mais si Madame, je vous connais, j'ai lu Matins de couvre-feu, mais rien n'y fait, elle s'éloigne. Je reste toute tristounette.


Liss et Boniface Mongo-Mboussa.

Maman, il est quelle heure ? Maman, on rentre bientôt ? Mon fils est fatigué. Disons plutôt qu'il sent que l'heure de sa série approche... à Grand galop ! Il n'y en a que pour Gulli maintenant. Bon d'accord, d'accord, on rentre ! Pourtant je m'arrange pour faire un petit dernier tour parmi les livres, ces chers compagnons, dernières brasses pour gagner des allées moins encombrées, et paf ! le beau visage de Louis-Philippe Dalembert en plein dans ma vue ! Ah, que n'ai-je apporté mes Noires blessures ! Si j'avais su ! Il me les aurait soignées bien comme il faut. Qu'à cela ne tienne, je vais quémander une photo. Daniel Maximin, que je n'avais pas reconnu au premier abord, ne veut pas gêner et s'écarte, mais non, voyons, restez ! C'est moi qui devrais disparaître, j'ai tellement honte de ne pas encore l'avoir lu ! Mais il est si affable, si modeste, je crois profondément qu'il ne m'en veut pas.


Daniel Maximin, Liss et Louis-Philippe Dalembert (je ne l'imaginais pas aussi grand !)

Puis j'ai le temps d'échanger un petit peu avec Dalembert. Je ne cache pas ma joie d'apprendre qu'il avait, non seulement lu ma critique de son livre, mais qu'il la place parmi celles qu'il a le plus appréciées. Oui, pour l'instant, je vous l'accorde, le livre venant tout juste de sortir, il y aura bien d'autres critiques de publiées d'ici-là, n'empêche que je peux me réjouir tout de même, ne vous en déplaise ! J'en profite pour lui parler d'Afriqua Paris. J'apprends une bonne nouvelle : il quitte l'Allemagne pour se réinstaller en France, enfin momentanément. Donc Gangoueus et Penda, vous pouvez nous préparer une belle rencontre fin avril.


Gisèle Pineau, auteure entre autres de Chair Piment et Liss. Lorsque Dalembert, qui a eu la gentillesse de nous prendre, a voulu immortaliser ce moment, l'appareil s'est encore détraqué. Mon fils ne voulait apparemment pas q'un autre photographe le remplace, c'est sa photo finalement, la plus récupérable, même si elle est un peu floue.


Mon plaisir est à son paroxysme quand je vois approcher Gisèle Pineau, une grande dame ! Une dame généreuse aussi, je l'ai déjà expérimenté, mais je ne vous dirai pas à quelle occasion, eh oui, j'ai mes petits secrets ! Bon allez, fiston, je crois qu'on peut rentrer, j'ai fait ma moisson de photos.

vendredi 11 mars 2011

Escales, de Marien Fauney Ngombé

Escales, première publication de Marien Ngombé, est un recueil de trois nouvelles liées par un thème commun : le voyage. Voyage entrepris quotidiennement, dans "Chronique de mon train de 7h51", par le narrateur qui emprunte les transports communs du réseau Ile de France pour se rendre à son travail ; voyage à entreprendre dans "A quel prix", le héros se préparant à aller poursuivre ses études en Europe ; voyage métaphysique dans la nouvelle "D'un corps à l'autre", lorsque la nécessité de faire un bilan de sa vie s'impose au personnage principal.


Chacun des personnages est donc amené à s'arrêter momentanément, à faire une "escale" afin de méditer sur son présent, sur son passé, sur son avenir. Ce sont donc des "escales" spirituelles qu'ils effectuent ; c'est à un voyage intérieur que les événements vécus les conduisent. Marien Fauney Ngombé nous invite avec eux à considérer l'autre face des choses, si tant est que chaque événement, chaque situation peut éclairer d'une manière particulière la trajectoire de notre vie, nous aider à la connaissance de nous-mêmes. "La nécessité de comprendre son existence doit être un moteur pour nous tous." (Escales, p. 65)

Bien souvent, en effet, le sens des choses nous échappe car nous n'arrivons pas à percevoir des vérités qui pourtant devraient nous interpeller, mais qui ne nous frappent qu'à la faveur d'une situation imprévue, malencontreuse souvent : une soudaine disgrâce aide à "retrouver l'humilité" (p. 14). Le fait de cotoyer tous les jours les mêmes personnes nous les fait voir un jour comme le reflet de nous-mêmes.

La deuxième nouvelle est marquante en ce que l'introspection du personnage le conduit à prendre une décision radicale et plutôt inattendue, mais est-il possible de rencontrer un tel spécimen dans la vraie vie, qui renonce aux riantes promesses de l'Eldorado européen pour préserver la dignité de la famille ? La dernière nouvelle a la particularité d'intégrer le fantastique. Mais ma préférence se tourne vers la première nouvelle, qui me semble avoir plus d'attrait.

Voici trois récits, trois escales, que vous pouvez faire le temps d'un voyage.

Marien Fauney Ngombé, Escales, Nouvelles, Editions Elikia, 2010, 80 pages, 9 €. 

Marien F. Ngombé est né en 1977 à Brazzaville, au Congo. Il est installé en France depuis 1995.

mardi 8 mars 2011

8 mars, journée de la femme ? C'est quoi déjà la femme ?

A l'occasion de la journée de la femme, mon frère Obambé m'a imposé des devoirs. Plutôt que de les faire toute seule, pour vous mettre à contribution, j'ai proposé un texte sous forme de questionnaire. Qu'en pensez-vous ?


Pour toi, la femme, est-ce
Celle qui fournit le pain de chaque nuit ?
Celle dont on peut profiter, où on veut quand on veut ?
Celle qui prépare à manger ?
Celle qui s’occupe des enfants ?
Celle qui doit changer la couche de bébé
Surtout lorsqu’elle est pleine de … ?
Celle qui doit assumer les bêtises des enfants,
Répondre aux convocations des professeurs ?
Celle qui fait les courses et s’occupe du ménage ?
Celle qui n’a pas à se plaindre ?
Celle qui ne sait pas garder le secret ?


Pour toi, la femme, est-ce
Celle qui doit obéir ?
Celle qui doit se taire ?


Pour toi, la femme, est-ce
Celle qui adoucit ta vie ?
Celle qui réchauffe ton cœur ?
Celle qui éclaire tes décisions ?


Pour toi, la femme, est-ce
Celle qu’il faut protéger ?


Si la femme était un mot
Lequel ou lesquels choisirais-tu pour la définir ?
Beauté, Infidélité ?
Indiscrétion, Prétention ?
Insolence et Incompétence ?
Finesse ou Faiblesse ?
Amour toujours ?


C’est quoi la femme, pour toi ?

mercredi 2 mars 2011

Le Coeur des enfants Léopards au théâtre !

Mardi 1er mars : première de l'adaptation théâtrale du remarqué et remarquable roman de Wilfried Nsondé, Le Coeur des enfants Léopards, mis en scène par Dieudonné Niangouna et interprété par Criss Niangouna, deux frères au nom bien connu par des générations et des générations d'étudiants. En effet, le défunt Niangouna, professeur émérite, avait enseigné ma mère avant que je ne devienne, à mon tour, l'une de ses étudiantes. Mais c'est dans le domaine artistique et non celui de l'enseignement que ses fils s'illustrent et ils s'y trouvent comme... non, pas comme des poissons dans l'eau, varions le vocabulaire, ils sont plutôt comme des princes dans leur royaume et nous étions leurs invités d'honneur, hier au Théâtre Le Tarmac de la Villette.

J'avais escompté la présence de l'auteur à cette "première", emportant avec moi mon exemplaire du roman dans l'espoir de me le faire dédicacer. Mes prévisions se sont avérées justes : Wilfried Nsondé était bien là. Son sentiment après la représentation ? Ne soyez pas si pressés, lisez d'abord cet extrait de l'interview publiée dans le "Journal du Tarmac" N°40 :


Bernard Magnier : Dans quelques semaines votre roman, Le Coeur des enfants léopards, va être présenté à Paris. Voir son texte adapté au théâtre est sans doute un moment intense, peut-être un mélange de crainte et d'excitation, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Wilfried Nsondé : J'ai l'impression d'une aventure complètement folle qui refuse de s'arrêter, Le Coeur des enfants léopards s'entête, il veut continuer à exister. Le texte a totalement surpassé mes attentes et mes espoirs, c'est incroyable. J'ai hâte d'entendre la voix de mes personnages, et de me confronter à leurs regards. Je m'attends à une expérience très riche et hors du commun. J'ai d'ailleurs du mal à expliquer clairement mon état d'esprit, je ne réalise pas encore vraiment que mon roman va vivre au TARMAC, une excellente scène de l'Est parisien. le lieu est lui aussi tout un symbole, c'est le Paris que j'aime, celui de la diversité et de l'ouverture, des thématiques qui sont omniprésentes dans le texte.



Wilfried N'Sondé et Liss

Et après la représentation ? J'ai pu discuter quelques minutes avec l'auteur et son sentiment de satisfaction rejoint celui du public, enfin si le public était comme moi. J'étais curieuse de voir comment le texte serait joué et il faut dire que cette adaptation rend bien le texte, surtout la spirale de questions  dans laquelle le personnage principal est entraîné, cette prison dans laquelle il se trouve et qui est à l'image de la prison des préjugés dans laquelle on a tendance à enfermer les "jeunes issus de l'immigration". Je vous invite à relire ma critique du roman : http://lissdanslavalleedeslivres.blogspot.com/2009/01/le-coeur-des-enfants-lopards-wilfried.html


Autres extraits du Journal du Tarmac :

Vous avez choisi de transposer ce roman en un monologue, comment allez-vous faire "vivre" les autres personnages du roman ?
Dieudonné Niangouna : Vous savez, on ne doit pas rentrer dans la tête du personnage, on doit l'ouvrir et étaler ses fantômes sur le tapis. Tous les personnages du roman, du vieux à Pascal Froment, en passant par l'équipe de choc, tous suent sur leurs neurones. Ils ont le cerveau en vrille, mais ils ne "one man chose " pas... Ce sont tous des personnages [...] qui sortent de la tête du protagoniste par la force de l'évocation. Enfin, par la force de la torture, pour être honnête.


Bernard Magnier : vous allez interpréter Le Coeur des enfants léopards dans l'daptation réalisée avec votre frère Dieudonné, dans quel état d'esprit abordez-vous ce rôle ? Est-ce un rôle "comme un autre" ?
Criss Niangouna : Je suis enthousiasmé à l'idée de jouer Le Coeur des enfants léopards. J'aborde avec gourmandise la perspective d'incarner ce personnage, pris dans une tourmente d'événements. J'ai rencontré l'auteur avec qui j'ai eu de grandes discussions autour du texte et du personnage, et cela a nourri cet engouement. En revanche, cette motivation reste accompagnée d'angoisse, de trac, d'interrogations, à l'idée d'être ou de ne pas être à la hauteur du roman ou du personnage, comme chez tous les comédiens devant chaque nouveau challenge.

Voyons, Criss, tu étais à la hauteur !

Pour terminer, voici quelles étaient les espérances de l'auteur il y a quelques temps :

"Ces dernières années, le Congo ne s'est pas inscrit dans la rubrique des bonnes nouvelles, alors ne faisons pas la fine bouche, Le Coeur des enfants léopards au TARMAC, écrit, joué et mis en scène par des fils de Brazzaville, espérons que cela participera à redorer le blason du Congo. J'espère que la communauté congolaise se bousculera aux portes de la Villette en mars prochain..."

Alors, voeu réalisé ? A cette première, le Congo était bien représenté, je pense :  j'étais là avec mon homme, Gangoueus était là avec sa belle, sans compter d'autres Congolais qu'on avait pu entendre dialoguer en langue du pays avant le début de la représentation, il y en a même un que j'ai reconnu, comédien lui aussi, que j'ai vu jouer au pays, je me creuse les méninges pour me rappeler à quelle occasion... 

Bon, Congolais et amoureux de la littérature congolaise, vous qui avez adoré ce roman ou voulez le découvrir, vous avez jusqu'au 19 mars pour le voir dans sa version théâtre et pour le lire, si ce n'est déjà fait.

Bon spectacle !